L’affaire Jovenel Moïse/ Le peuple Haïtien est plus que jamais interpellé dans la prise en charge de sa souveraineté. - ExplosionInfo

ExplosionInfo

Le Réseau de l'Information dans le département du Nord-Est d'Haiti.

Post Top Ad

L’affaire Jovenel Moïse/ Le peuple Haïtien est plus que jamais interpellé dans la prise en charge de sa souveraineté.

Share This
L’affaire Jovenel Moïse/
Le peuple Haïtien est plus que jamais interpellé dans la prise en charge de sa souveraineté.
 
Cap-Haitien, le 15 avril 2021.
 
Explosion-infos informations transmises en temps réel dans le département du Nord-Est 
Depuis le 7 février 2021, le pays, une nouvelle fois, a emprunté la voie de la dictature, de l’anarchie et de la pensée unique. La démocratie, forme prédominante de gouvernement actuel, a été brutalement évincée au profit du pouvoir d’un homme et non celui du peuple. Au fait, le choix de sortir de l’autoroute de la démocratie débutait concrètement le 13 janvier 2020 lorsque le président Jovenel Moïse, sans même exprimer ses regrets pour n’avoir pas organisé les élections, avait fièrement et péremptoirement déclaré constater la caducité du Parlement. Ce dernier, dans sa velléité de pouvoir autoritaire, a délibérément négligé sa mission telle que prévue par l’article 136 de la Constitution laquelle garantissant la stabilité des institutions, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, ainsi que la continuité de l’Etat.
 
En bon dictateur, monsieur Jovenel Moïse fixe les règles. Il interprète la Constitution à sa manière notamment les articles 134.1 et 134.2. Un an est ajouté à son mandat. L’avis contraire, dont celui exprimé par la Fédération des Barreaux d’Haïti, la Fédération Protestante, l’Eglise Catholique, les Partis de l’Opposition, les Organisations des Droits Humains, trois prestigieuses universités américaines et la majorité de la population sur la fin du mandat présidentiel est rejeté d’un revers de main. Le cap est enfin mis sur  le changement de la Constitution de 1987 par la voie de referendum ce qui est formellement interdit par ladite Constitution en son article 284.3. Il est, de fait, le seul capitaine abord d’un navire voguant dans un océan tumultueux. Tout-puissant, personne ne semble capable de lui faire entendre raison. Manifestement, rien ne peut lui empêcher de se déclarer président à vie avec droit de vie et de mort sur la population. Mais comment expliquer qu’un homme qui a obtenu seulement 590,927 voix à la dernière élection sur un électorat estimé à plus de 6,500,000  personnes peut-il tenir tête aussi longtemps ? Y a-t-il une théorie en vertu de laquelle on peut comprendre comment un président peut se faire élire avec moins de 600,000 votants ? Par ailleurs, plus 1,500,000 citoyens sont descendus dans les rues le 28 février 2021, outre les multitudes autres mouvements de revendication sociale. Paradoxalement, ils ne parviennent guère à  contraindre Jovenel Moise à quitter le pouvoir que celui-ci occupe de fait.
 
En effet, la réponse au phénomène « Jovenel Moïse » est donnée par Jean-Jacques Rousseau dans son célèbre ouvrage intitulé Du contrat social. Il soutient sans ambiguïté: «Quoi qu'il en soit, à l'instant qu'un peuple se donne des représentants, il n'est plus libre ; il n'est plus.» La Constitution 1987 admet, par ailleurs, le système représentatif qui se définit comme une procuration donnée à un certain nombre d'hommes par la masse du peuple, qui veut que ses intérêts soient défendus. Cependant, la loi mère a habilement pris le soin d’attribuer le pouvoir à plusieurs organes. Ainsi, elle dispose en son article 59: « Les citoyens délèguent l'exercice de la souveraineté nationale à trois (3) pouvoirs: a) le pouvoir législatif; b) le pouvoir exécutif; c) le pouvoir judiciaire ». De plus, la charte fondamentale précise en son article 60 que chaque pouvoir est indépendant des deux (2) autres dans ses attributions qu'il exerce séparément.
 
Vraisemblablement, la Constitution haïtienne s’aligne sur l’idée développée par Montesquieu, dans son traité de la théorie politique publié à Genève en 1749, De l'esprit des lois. Dans ce document, Montesquieu a ingenieusement plaidé contre toutes formes de pouvoir monarchique et autoritaire. Elles constituent, selon ce theoricien, un danger pour la Cité. Ainsi, il écrit au Chapitre IV: “C'est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser (…) Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ».  D’autres Etats semblent adopter le même principe de séparation des pouvoirs notamment les Etats-Unis d’Amérique qui a instauré le principe des checks and balances.
 
Nous voyons donc que la question de pouvoir est un sujet extrêmement délicat et qu’il ne faut absolument pas l’appréhender avec légèreté. Faisons un petit calcul, il est de notoriété qu’avec 1,000 gourdes on est capable de se procurer des votes des citoyens, disons les plus vulnérables. Il s’ensuit, malheureusement, qu’en Haïti quelqu’un peut-être élu président avec moins de 600,000 voix, les résultats présidentiels des deux dernières élections en témoignent élégamment. Donc, avec un montant de 600,000,000 gourdes à  raison de 1,000 gourdes par vote, on peut se faire élire à la présidence. Raisonnablement, cette somme, avoisinant 7,000,000 dollars us (voir le taux affiché par la BRH pour ce jeudi 15 avril 2021) pourra être majorée, ce, pour pouvoir payer les medias propagandistes, engager les firmes faisant du lobbying, soudoyer les membres du CEP afin d’obtenir un travail parfait. En termes clairs, moins de 12,000,000 dollars US est largement suffisant pour accaparer le pouvoir à tous les niveaux en Haïti, de Casec en passant par le Parlement jusqu'à la Présidence. Cette somme, constate-t-on, est nettement inférieure au 18,000,000 de dollars US que monsieur Jovenel Moïse vient tout juste d’allouer, soit le 8 février dernier, à la famille Apaid, agrémenté de  plus de 8,600 hectares de terre pour la création d’une zone franche.

Il en résulte que l’enjeu de transfert de pouvoir est de taille. Le peuple doit en savoir. Le processus électoral c’est une bonne chose, car il permet au peuple de choisir ses dirigeants. En revanche, il est extrêmement dangereux lorsque les élections sont organisées sans le peuple. Confier le destin d’un pays à un groupe individus, c’est un pari très risqué. Rien pouvant garantir que la volonté du dirigé sera prise en compte par le dirigeant.  De surcroit, il y a lieu de rappeler que l’exercice consistant à confier le pouvoir à un homme est une chose, le récupérer en est une autre. En d’autres termes, il est beaucoup plus facile de confier le pouvoir que de le reprendre. Transférer la souveraineté c’est se dépouiller pour un certain temps de la souveraineté. Donc, par la magie des choses, celui qui détient le pouvoir du peuple par quelque soit le procédé, détient par la même occasion l’énergie et la force du peuple. Le pouvoir, c’est comme le feu. Point besoin de dire qu’on ne le confie ni aux enfants, ni aux insensés. Car, les dégâts occasionnés par le feu sont la plupart du temps irréparables.
  
Par-dessus-tout, nous invitons nos frères haïtiens à participer activement au processus menant au choix des dirigeants de peur que notre souveraineté ne soit confiée aux bandits, aux corrompus, aux tricheurs, aux lâches, aux incompétents, aux ennemis d’Haïti, et aux criminels. Haïti ne peut plus souffrir. Nous terminons ce bout de papier en citant Wiz Khalifa « Pleure aussi fort que tu peux. Mais quand tu auras fini, assure-toi de ne plus pleurer pour la même raison »
 
Thony Desauguste, av.
Professeur à l’Université d’Etat d’Haïti
dthonyfile@yahoo.fr

TRADUIRE

Post Bottom Ad

Pages