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Haiti/Diplomatie : Lettre ouverte au président Luis Rodolfo Abinader Corona, de la République Dominicaine et son gouvernement.

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Lettre ouverte
Par : Les paysans haïtiens victimes de la CODEVI, de la Banque Mondialeet de l’État dominicain.
Date : 12 août 2022, Ouanaminthe.

Monsieur le Président de la République dominicaine,
Les paysans haïtiens de Ouanaminthe s’empressent de vous adresser leurs mots de félicitation pour vos engagements politiques innovateurs. Les nouvelles laissent croire que vous entendez présider votre pays avec transparence et respect des lois. Néanmoins, souffrez, Monsieur le Président, que les paysans haïtiens en doutent eu égard à la délinquance dont fait montre une richissime compagnie dominicaine exploitant les ressources haïtiennes.
En effet, les paysans, victimes des actes d’injustice des investisseurs dominicains, vous informent, avec infiniment de peine, qu’une compagnie de développement industriel dénommée CODEVI, dirigée par Grupo M, est installée à Ouanaminthe, sur la frontière haïtiano-dominicaine, depuis l’année 2002.
Cette compagnie, fondée sur le sang des paysans, est un modèle parfait de corruption, de crime financier transnational et de déstabilisation de l’État haïtien. Considérant que les actes ci-après dénoncés sont commis concomitamment et sur le territoire haïtien, et sur le territoire dominicain, cette préoccupation vous concerne. Pour que vous et votre Gouvernement n’en prétextiez aucune ignorance, les paysans vous exposent ce qui suit :
1. En 2002, en complicité avec les acteurs financiers de la Société Financière Internationale (SFI), la CODEVI n’a respecté aucune norme d’investissement édictée par la Banque Mondiale. Suivant la norme 5 de la Banque Mondiale, les paysans expropriés auraient dû être relocalisés avant que la CODEVI se soit installée à Ouanaminthe. Ce qui n’a point été respecté. Les paysans ont été délocalisés, décapitalisés et relocalisés sur de nouvelles terres que 18 ans plus tard, à l’issue d’un procès emblématique. Cette injustice scandaleuse et sans précédent doit être réparée. Vous ne pouvez pas, Monsieur le Président, fermer les yeux sur une injustice qui se commet et continue de se commettre sur votre territoire, avec le concours de votre Armée, et par vos concitoyens. N’est-ce pas le défenseur des droits humains Martin Luther King qui a dit : « Une injustice commise quelque part est une injustice commise dans le monde entier ». Pièces à conviction numéro 1 et 2 : preuve écrite.
2. En Haïti, la CODEVI jouit d’un régime douanier et fiscal spécial en vertu de la loi du 9 juillet 2002 portant sur les Zones Franches (franchise douanière, exonérations, etc.). Pourtant, en dépit de son paradis fiscal, la CODEVI refuse de verser mensuellement, en faveur de ses ouvriers, toutes les obligations salariales et patronales à l’Office d’Assurance Vieillesse (ONA) et à l’Office d'Assurance Accidents du Travail, Maladie et Maternité (OFATMA). Les prélèvements des salaires des ouvriers dominicains, se trouvant sur le sol haïtien, ne sont pas comptabilisés dans les recettes de l’État haïtien. Il est important de vous rappeler, Monsieur le Président, qu’en Haïti, la sécurité sociale des ouvriers nationaux et étrangers est une obligation légale. Les dominicains travaillant en Haïti sont astreints à payer des obligations fiscales en Haïti. Tout refus délibéré de s’y soumettre est un acte criminel. Pièce à conviction numéro 3 : preuve écrite ;
3.   A Ouanaminthe, la CODEVI déverse, quotidiennement, des tonnes de déchets dans un quartier dénommé Dilaire,  dans une propriété non clôturée, à ciel ouvert. Ces déchets jonchent la route nationale numéro 6 et ne sont pas traités. Cette intenable situation a provoqué le déplacement de certaines familles vulnérables à cause de la pollution et la dégradation effrénée de l’environnement.  Des attaques de cancer, des maladies infantiles, des pertes en biodiversités, la destruction de la faune et de la flore en sont les conséquences les plus imminentes. Dans la rivière Massacre, la CODEVI déverse un volume impressionnant de matières fécales. Sans égard à la Mairie de Ouanaminthe, la CODEVI n’est pas autorisée à utiliser un site de décharge pour ses vingt mille employés. Ce ne sont pas les paysans qui déterminent si le comportement de la CODEVI est criminel, mais le décret de 2005 portant sur la gestion de l’environnement…pour un développement durable qui en fixe le taux de criminalité en ses articles 153 et suivants. Pièce à conviction numéro 4 : Photos, vidéos, procès-verbal;
 
 
 
 
 
4.   Aujourd’hui, avec un salaire mensuel qui frise l’inhumanité, privation de sécurité sociale, non-assistance sociale, absence d’un programme d’assainissement et de contribution sociale réelle, absence des services sociaux de base au profit de ses employés et les désastres que la CODEVI a infligés à l’environnement haïtien sont irréversibles. Ouanaminthe enregistre une explosion démographique inversement proportionnelle à ses besoins sociaux, économiques et environnementaux les plus criants. Si la CODEVI est insensible à la condition de vie de la communauté et de sa main-d’œuvre, celle-ci conditionne l’avenir de la CODEVI.
5.   Monsieur le Président, la CODEVI normalise la concurrence déloyale en Haïti. La CODEVI est détentrice d’un droit d’exploitation industrielle encadrée par une loi. Ce droit ne s’étend pas à toutes les activités économiques. Pourtant, la CODEVI se lance dans le commerce local. Elle est distributrice de gaz propane et propriétaire de restaurants, sans égard à son secteur d’activité.  La CODEVI se sert de ses exonérations fiscales pour commercer  des produits non autorisés par un droit d’exploitation. Cette pratique nuit aux entrepreneurs haïtiens qui ne jouissent, eux, d’aucun privilège et, de surcroit, payent d’irritantes taxes, tout en composant avec le prix du marché. En voilà l’exemple probant d’un acte déloyal. Monsieur le Président, la concurrence déloyale est un crime en Haïti suivant les dispositions de la loi du 12 mars 2014 portant prévention et répression de la corruption.  Pièce à conviction numéro 5 : Photos, vidéos, procès-verbal.
6.   Monsieur le Président, la CODEVI veut obtenir des droits sur de nouvelles terres afin d’expandre son territoire, sans aucune étude d’impact social et environnemental. Pour ce faire, elle s’associe à l’élimination de l’agriculture comme stratégie prioritaire de création de besoins. Elle revendique les terres les plus fertiles des agriculteurs qui lui sont voisins. Paradoxalement, sous la baguette du Ministre de l’Agriculture de votre pays, M. Limber Cruz, et en violation des lois haïtiennes, de nouvelles terres ont été arpentées illégalement en faveur de la CODEVI. Comme toujours, la CODEVI veut se servir de l’État haïtien comme son bouclier.
 
Or, Monsieur le Président, la Constitution de la République d’Haïti exige, en son article 39, que l’État donne ses terres en bail à ferme, d’abord, aux agriculteurs déjà installés sur les terres.  Ainsi, du point de vue légale, l’État Haïtien ne peut pas passer outre les agriculteurs haïtiens pour donner en bail à ferme des terres cultivées à des hommes d’affaires dominicains. Pièce à conviction numéro 6 : preuve écrite.
 
Par-dessus tout, Monsieur le Président, voici ce que prescrit le troisième alinéa de l’article 9 de la loi sur les zones franches : « La détermination des zones franches doit se faire dans le plein respect du plan national d’aménagement du territoire et tenir compte de certains facteurs ou critères telles que: densité́ urbaine, zones non agricoles…. »
 
Il ne s’agit pas de ce que font les fonctionnaires haïtiens, mais de ce que dispose la loi haïtienne en la matière. Car, avec toutes les signatures des fonctionnaires haïtiens intéressés, un acte illégal reste illégal. A l’ère des sommets récurrents des chefs d’État, où les problèmes de l’environnement, du climat deviennent des préoccupations mondiales, il est nécessaire de dire « halte », Monsieur le Président. Vous ne pouvez pas protéger la partie Est de l’Ile pendant que vos proches veulent faire d’Haïti un dépotoir à ciel ouvert.
7.   Monsieur le Président, la CODEVI alimente des bandes armées à Ouanaminthe et fournit des munitions à des bandits notoires. Par l’entremise de ses employés, des hommes armés, activement recherchés par la Police Nationale d’Haïti, sont régulièrement payés par la CODEVI. Pièce à conviction numéro 5 : témoignage des bénéficiaires ;
8.   Monsieur le Président, les victimes ne se complaisent pas uniquement à se plaindre de leur malheur. Pour votre gouverne, plusieurs plaintes ont été portées contre la CODEVI, la Banque Mondiale et l’État Haïtien pour des faits délictueux divers notamment la plainte devant la Banque Mondiale/CAO (le traitement du dossier est en cours) ; la plainte devant la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme/OEA (le dossier est en cours de traitement) ; une plainte au Cabinet d’instruction contre Fernando Cappellan, Limber Cruz impliqués dans des crimes en Haïti. Certaines décisions judiciaires ont été déjà rendues contre la CODEVI.  Pièce à conviction numéro 7 : Réquisitoires d’informer du  Parquet de Fort-Liberté et jugements ;
9.   Monsieur le Président,  des dérives révoltantes sont constatées dans l’exécution du projet de construction d’un mur frontalier entre Haïti et la République dominicaine. Les limites des frontières ne sont pas respectées. L’intégrité du territoire haïtien est violée. Un canal devant relier les eaux de la rivière Massacre aux terres agricoles est saboté par des agriculteurs dominicains.  Des soldats dominicains foulent le sol haïtien et menacent de mort les Haïtiens. Pièce à conviction numéro 8 : Vidéos.
 
Pendant toute la durée des travaux de construction du mur de séparation, les paysans exigent l’affichage public de la maquette du projet indiquant (le plan de construction, les limites, la durée, les firmes, la référence de l’autorisation de l’Armée dominicaine pour fouler le sol haïtien) ; les occupants revendiquent le respect de leur droit constitutionnel ; la société civile requiert des explications documentées des projets de la CODEVI pour qu’on prenne en compte les impacts qui en résulteront. Et que tout se fasse, si faire se peut, sur la base d’un protocole respectueux des intérêts supérieurs de la communauté et de l’environnement.
 
 
 
 
 
10. Monsieur le Président, vous refoulez par milliers les Haïtiens qui bâtissent vos gratte-ciel, même les étudiants haïtiens n’en sont pas épargnés. C’est normal de contrôler le flux migratoire de votre pays. Mais, il est déloyal de regarder entrer, à la CODEVI/territoire haïtien, chaque jour, des milliers d’employés dominicains, qui gagnent leur vie à partir du sol haïtien, sans l’accomplissement des formalités légales. En entrant à la CODEVI, les dominicains entrent dans une terre étrangère et sont astreint aux formalités d’immigration.
 
11. A l’instar des bandes armées à Port-au-Prince, le service de sécurité de la CODEVI est constitué d’un corps illégal, détenant illégalement des armes à feu. Les armes de guerre, qu’utilisent les agents attachés à la sécurité de la CODEVI, ne sont pas autorisées sur le sol haïtien au profit d’une entreprise commerciale privée.  Votre Gouvernement, aurait-il autorisé le transport et le passage des armes de guerre vers Haïti?  Combien ? A quelle fréquence ? En outre, le chef de sécurité de la CODEVI, le sieur Tejada ainsi connu, dominicain, est condamné par la justice hattienne pour des infractions commises en Haïti. Mais, il jouit de la protection de votre Gouvernent.  Les paysans croient que, dès la réception de cette correspondance, le sieur Tejada sera livrée à la justice haïtienne. Pièces à conviction numéro 9 : Photos et jugement.
 
12. Les paysans ont appris que votre Gouvernement s’est engagé résolument dans une lutte contre la corruption. C’est bien ! Mais, les paysans remarquent que la CODEVI, Fernando Cappellan, Limber Cruz en sont épargnés. Au contraire, ils jouissent de votre haute protection. Ces responsables sont poursuivis, au nom de la République d’Haïti, pour crimes transnationaux notamment évasion fiscale, détournement de fonds, dégradation de l’environnement haïtien. De l’autre côté,  ils sont également poursuivis par d’autres instances internationales pour d’autres faits.
13. Que le pouvoir du Gouvernement du Dr Ariel Henry est strictement limité. Si vous signez des documents ou prenez des engagements qui dépassent le pouvoir des dirigeants actuels; de même, si vous obtenez des avantages indus par des voies illégales ou irrégulières, sachez que tout cela sera bientôt annulé avec toutes les conséquences légales.
Somme toute, Monsieur le Président, au regard des pièces à conviction qui vous sont soumises, vous êtes suffisamment informé, à présent, de ce que la CODEVI entreprend en Haïti. En conséquence, vous avez le devoir de mettre un terme au comportement criminel de la CODEVI puisque celle-ci fonctionne simultanément sur deux territoires, avec le concours de deux forces armées distinctes. Les Haïtiens, n’assistent-ils pas trop souvent au déploiement de l’Armée dominicaine sur le territoire haïtien en faveur de la CODEVI ?
 
Fort de tout cela, si, dans un délai d’un mois, la CODEVI ne cesse pas ses pratiques  illégales perpétrées sur le territoire haïtien en se servant du territoire dominicain comme couverture juridictionnelle, Monsieur le Président, plainte sera déposée contre vous et votre Gouvernement pour complicité et recel des actes criminels de la CODEVI. La force véritable d’un homme dérive de la raison et non de la raison du plus fort.
 
Le peuple haïtien a besoin d’un développement durable, des partenaires respectueux des droits des peuples, des entreprises à fonction sociale réelle et non de saupoudrage de développement par une compagnie qui multiplie les supercheries. On ne développe pas une communauté en galvaudant « création d’emplois », sans que les conditions de vie de la population se soient améliorées.
 
Devant le comportement repréhensible et irresponsable de la CODEVI choquant le monde entier, le détournement des taxes/impôts et la concurrence déloyale, les paysans se soulèvent. Fort de tout cela, s’il ne survient pas une réforme des méthodes d’industrialisation profonde, il serait mieux que la CODEVI se retire du territoire haïtien, y fasse place nette pour que viennent d’autres investisseurs respectueux de la loi haïtienne et de l’écosystème.
 
Si avec tout ce monopole financier, la ville de Ouanaminthe est dévastée insidieusement, une génération s’appauvrit, dans l’absence d’un plan de logements sociaux pour une dizaine de milliers d’employés, occasionnant une extension anarchique de la ville et une bidonvilisation à outrance, dans la privation des services sociaux de base (eau, électricité, assainissement), les paysans crient : « c’est assez » !
 
Monsieur le Président, la prochaine fois, les paysans, désireux entrer légalement dans votre pays, vous parleront du commerce illicite des visas dominicains à Ouanaminthe. Des millions de dollars sont générés au profit des membres de votre diplomatie au préjudice des Haïtiens. Pourquoi protéger les coupables ?
 
Monsieur le Président, le tableau des actes des entrepreneurs dominicains sur la frontière est sombre. Pourtant, il est partiel. A présent, il vous incombe de les approuver ou de les reprouver. Un développement économique à visage humain est ce dont les Haïtiens ont besoin, via une coopération équitable et responsable.
 
Les paysans haïtiens vous remercient de bien vouloir prendre en considération leur requête et ils vous prient d'agréer, Monsieur le Président, l'expression de leur très haute considération.
 
Pour les paysans victimes :                                                                      

Pour le Cabinet Mutation :
 
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Joseph Moliet                                                                          

Me Emmanuel Raphaël, av.

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