La Vision Haïtienne des Droits de l’Homme (VHDH), engagée dans la défense des droits humains et la promotion de l’État de droit en Haïti, souligne sa profonde préoccupation face à la récente publication du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) en octobre 2025 concernant la certification des magistrats.
Selon cette publication, un nombre significatif de magistrats a été certifié, tandis que plusieurs n’ont pas obtenu la certification. En 2024, les magistrats non certifiés l’étaient pour des motifs précis et graves, incluant corruption, complicité avec des bandes criminelles, rançonnement de justiciables, libération d’inculpés contre des sommes d’argent, abus de pouvoir et manquements académiques. En revanche, en 2025, les motifs invoqués pour les magistrats non certifiés restent flous, vagues ou non détaillés, se limitant à l’« absence d’intégrité professionnelle », sans précisions sur les faits.
Cette situation soulève des interrogations sur une possible manœuvre politique ou clientéliste, susceptible de compromettre la neutralité, l’intégrité et la crédibilité du CSPJ.
Processus de recours pour les magistrats non certifiés
Initialement, le CSPJ avait déclaré que les magistrats non certifiés n’avaient droit à aucun recours, invoquant l’absence de cadre légal prévu par le législateur pour contester la certification. Cette position signifiait qu’aucune réévaluation n’était possible et que les décisions de non-certification étaient définitives et exécutoires.
Cependant, face à des contestations publiques, critiques de l’opinion et préoccupations sur l’équité du processus, le CSPJ a adopté, le 27 mars 2025, une résolution ouvrant un processus de recours. Cette démarche permet désormais aux magistrats non certifiés de présenter une défense ou demander une réévaluation de leur dossier avant toute exclusion définitive du système judiciaire.
L’institution de défense des droits humains ne conteste pas le droit de tout magistrat à exercer un recours légal et à demander une réévaluation de son dossier. Cependant, elle souligne que ce processus ne doit pas être instrumentalisé à des fins politiques, clientélistes ou partisanes, au risque de compromettre la neutralité, l’intégrité et l’autorité morale du CSPJ.
Selon l’article 187 de la Constitution, toute réintégration doit être transparente, motivée et strictement conforme à la loi, afin de préserver la confiance du public dans la magistrature.
Non-respect des obligations légales relatives à la déclaration de patrimoine et à l’exercice d’activités économiques
La loi du 12 février 2008 sur la déclaration de patrimoine impose aux fonctionnaires publics, y compris les magistrats, de déclarer leur patrimoine à leur entrée en fonction afin de permettre à l’État de contrôler l’évolution de leur fortune.
L’article 7 de cette loi précise que les magistrats doivent obligatoirement faire cette déclaration. Cependant, dans le processus de certification des magistrats, le CSPJ ne semble pas tenir compte de cette obligation légale.
De plus, la loi stipule que les magistrats ne doivent pas exercer d’activités économiques autres que l’enseignement. Cette restriction vise à prévenir les conflits d’intérêts et à préserver l’intégrité de la fonction judiciaire. Or, il est constaté que certains magistrats continuent d’exercer des activités économiques parallèles, ce qui contrevient à la loi.
Cette organisation citoyenne souligne que le non-respect de ces obligations légales par le CSPJ, en particulier dans le cadre de la certification des magistrats, constitue une violation manifeste de la loi. Cette situation compromet l’intégrité du système judiciaire et envoie un message négatif sur la volonté de lutter contre la corruption et les conflits d’intérêts au sein de la magistrature.
Abrogation de loi par simple note administrative Le 27 mars 2025, le CSPJ a publié une simple note administrative visant à abroger une loi, alors que seul le législateur détient ce pouvoir selon la hiérarchie des normes.
Selon l’article 180 de la Constitution, le CSPJ doit agir dans le respect strict de la loi et de la déontologie professionnelle. Cette note crée un précédent dangereux et sape la sécurité juridique du système judiciaire.
Risques pour le système judiciaire
Ces décisions combinées présentent plusieurs risques majeurs :
✔ Perte de confiance du public : les citoyens pourraient percevoir la justice comme partisane ou manipulée, violant l’esprit de l’article 10 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH), l’article 14 du Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP) sur le droit à un procès équitable et l’article 7 de la loi du 12 fevrier 2008 sur la déclaration du patrimoine.
✔ Affaiblissement de l’autorité morale du CSPJ : les décisions peuvent être perçues comme arbitraires.
✔ Absence de poursuites judiciaires : lorsqu’il existe des preuves tangibles empêchant la certification d’un magistrat, le fait de ne pas engager de poursuites constitue un signal négatif pour l’ensemble de la magistrature. Conformément aux articles 177 et 187 de la Constitution haïtienne, des sanctions judiciaires appropriées renforceraient l’intégrité, la crédibilité et la confiance dans le système judiciaire.
✔ Précédent pour des manipulations futures : la procédure de recours, le non-respect de la déclaration de patrimoine et l’abrogation d’une loi par simple note pourraient être exploitées à des fins politiques ou clientélistes.
Position et recommandations de l’organisation
L’entité engagée pour la transparence et la justice rappelle que :
1. Tout magistrat exclu dispose d’un droit de recours, mais ce processus doit être transparent, motivé et respectueux du droit.
2. Les décisions du CSPJ doivent renforcer l’intégrité, la compétence et la crédibilité de la magistrature, et non semer le doute sur son impartialité.
3. La sécurité juridique étant un pilier fondamental de l’État de droit, une note administrative ne peut en aucun cas abroger une loi.
4. Les obligations légales de déclaration de patrimoine et de non-exercice d’activités économiques parallèles doivent être strictement respectées par tous les magistrats.
5. Lorsqu’il existe des preuves tangibles contre un magistrat, des poursuites judiciaires doivent être engagées pour garantir responsabilité, message clair et prévention de l’impunité.
L’organisation signataire du présent article appelle le CSPJ à :
✔ Rendre publiques et motivées toutes les décisions de certification et de réintégration,
✔ Respecter strictement le cadre légal pour toute modification législative ou réglementaire,
✔ Préserver la neutralité et l’autorité morale du Conseil pour garantir un système judiciaire digne de confiance.
Si des magistrats réintégrés statuent sur des affaires sensibles, comment le public pourra-t-il avoir confiance dans l’impartialité de la justice ?
L’organisation de veille démocratique invite le CSPJ à agir avec transparence et responsabilité, afin de prévenir tout affaiblissement durable du système judiciaire, en conformité avec :
✔ Articles 177, 180 et 187 de la Constitution haïtienne,
✔ Article 10 de la Déclaration universelle des droits de l’homme,
✔ Articles 2 et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
✔ Article 7 de la loi du 12 février 2008 sur la déclaration de patrimoine.
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