CAP-HAÏTIEN, 23 octobre 2025 — La récente publication des résultats du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) sur la certification des magistrats secoue le monde judiciaire haïtien, particulièrement dans le Nord. Entre juges validés, dossiers rejetés et enquêtes en cours, le processus ravive les interrogations sur l’intégrité et la crédibilité du système de justice. L’exclusion du juge Frito Aristil, figure bien connue du tribunal de première instance (TPI) du Cap-Haïtien, symbolise un malaise profond dans une institution fragilisée par la défiance citoyenne.
Le CSPJ a rendu publics, le 21 octobre, les résultats de cette procédure de vérification des compétences et de l’intégrité des magistrats. Au total, 112 dossiers ont été examinés à travers le pays. Cette démarche, présentée comme une étape vers plus de transparence, intervient dans un contexte où la justice haïtienne peine à redorer son image.
Selon le rapport du CSPJ, 73 magistrats ont été certifiés, soit près des deux tiers des évalués. En revanche, 12 candidatures ont été rejetées pour incompétence ou manquement à l’éthique, tandis que 27 dossiers restent en attente, le temps de compléter des enquêtes administratives. Ces chiffres traduisent, selon plusieurs observateurs, la volonté du conseil de restaurer la rigueur au sein du corps judiciaire, tout en illustrant les limites d’un système sous pression.
Parmi les magistrats non certifiés figure Me Frito Aristil, juge et juge d’instruction au TPI du Cap-Haïtien. Le CSPJ évoque un manque de compétence et d’intégrité dans son dossier. La décision a provoqué une onde de choc dans le milieu judiciaire nordiste, où Aristil a instruit plusieurs affaires sensibles au cours de ses quinze années de carrière.
Quelques jours avant la publication du rapport, le 14 octobre, Me Aristil avait présenté sa démission, mettant un terme à sa fonction de juge d’instruction. Un geste que certains interprètent comme une anticipation stratégique face à une décision prévisible. D’autres y voient le symptôme d’un appareil judiciaire miné par ses contradictions internes.
Dans le département du Nord, cette exclusion met en relief un malaise plus profond. Plusieurs avocats et observateurs locaux dénoncent une « justice à deux vitesses », où les liens politiques et les arrangements personnels prennent souvent le pas sur la rigueur professionnelle. Si le CSPJ entend moraliser le système, certains craignent que la démarche ne soit perçue comme un règlement de comptes entre clans du pouvoir judiciaire.
Sur le terrain, la population observe la situation avec une résignation mêlée de scepticisme. « Rien ne changera », confie un habitant du Cap-Haïtien, convaincu que la corruption est devenue une pratique ordinaire dans les tribunaux. Face à cette défiance, le CSPJ est désormais confronté à un double défi : restaurer la confiance du public et garantir l’indépendance des magistrats.
La publication de cette liste ne clôt pas le débat. Elle ouvre au contraire une réflexion plus large sur l’avenir de la justice en Haïti. Car dans le Nord comme ailleurs, la banalisation des dérives et la tolérance envers la corruption menacent les fondements mêmes de l’État de droit. Et quand la justice cesse d’être exemplaire, c’est toute la société qui chancelle.
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