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La traque des Haïtiens à la frontière de Dajabón : Humiliations et violations des droits humains sous l'œil indifférent des autorités

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Écrit par : Villardouin CERSINE; Journaliste d'investigation 



Vague de répression migratoire à Dajabón et Valverde : Des migrants, y compris des mineurs, détenus arbitrairement, privés de nourriture et d'eau par l'immigration dominicaine, sur fond d'inaction et d'abandon total des citoyens haïtiens par un État Haïtien jugé démissionnaire par ses propres ressortissants à la frontière.
Ouanaminthe/Dajabón ce samedi 25 octobre 2025--– Les tensions frontalières entre Haïti et la République dominicaine ne cessent de s’intensifier, se traduisant par une répression accrue ciblant les migrants haïtiens. Récemment, dans la zone de Valverde, près de Dajabón, trois véhicules transportant des migrants sans papiers, parmi lesquels se trouvaient des mineurs, ont été interceptés. Deux chauffeurs ont été immédiatement arrêtés, marquant une nouvelle étape dans les opérations de traque.

Le dispositif de répression est désormais clairement visible. Le maire de Dajabón, Santiago Riverón, mène personnellement, et de manière ostentatoire, des opérations d’envergure, accompagné de la police et de l’armée, contre les Haïtiens dans plusieurs quartiers de sa ville. Ces actions, loin de se cantonner à de simples contrôles migratoires, prennent des allures de véritables chasses à l’homme.

La dérive des pratiques dominicaines
Lorsque ces Haïtiens sont appréhendés, les pratiques des autorités dominicaines d'immigration, de l'armée et de la police se révèlent particulièrement préoccupantes et profondément inhumaines. Les migrants sont systématiquement maintenus en prison pendant plusieurs jours, souvent dans des conditions déplorables, sans accès à de la nourriture, de l’eau potable, ni même un respect minimal des règles élémentaires d’immigration et des droits humains. Ces détentions prolongées et arbitraires constituent une flagrante violation des conventions internationales que la République dominicaine est censée respecter.


L’autorité d’immigration dominicaine semble s’affranchir de toute éthique professionnelle. Les arrestations sont musclées, les fouilles, humiliantes. Les migrants sont traités non pas comme des individus en situation irrégulière, mais comme des criminels de la pire espèce, leur dignité bafouée dès le moment de leur interpellation. Cette brutalité, couverte par le silence complice des échelons supérieurs, est une tache sombre sur le drapeau dominicain.

L'armée et la police dominicaines, sous couvert de "sécurité nationale" et de lutte contre l'immigration illégale, se transforment en instruments de terreur et de discrimination. Le profilage ethnique est la règle, et non l'exception. La présence militaire massive à la frontière ne vise plus uniquement à contrôler les flux, mais à intimider et à humilier systématiquement tout ressortissant haïtien, y compris ceux qui ne font que traverser pour le commerce légal.
Les lieux de détention provisoire se muent en centres de non-droit. Les témoignages de migrants font état de surpopulation extrême, de conditions sanitaires insoutenables et de l’absence totale de soins médicaux, transformant une simple rétention administrative en une punition corporelle. 

Ces méthodes, d’une cruauté archaïque, rappellent les heures les plus sombres en matière de traitement des populations migrantes.
Il est clair que la politique migratoire dominicaine actuelle est délibérément conçue pour être dissuasive par l’humiliation et la peur, dépassant largement le cadre de la légalité. Le recours systématique à la privation de besoins fondamentaux (eau, nourriture) n'est pas un accident logistique, mais une stratégie de coercition visant à briser la résistance des détenus avant leur reconduite forcée au pont frontalier de Ouanaminthe/Dajabón.

L'échec cuisant de l'autorité haïtienne
Face à ce mur de répression, l’absence de l’État haïtien est criante, voire criminelle par omission. Il est intolérable de constater que ce sont principalement des ONG locales et internationales qui se substituent à l'État haïtien pour assurer la survie et le rapatriement des expulsés, leur offrant souvent un peu d’argent pour qu'ils puissent regagner leurs foyers. Cette dépendance à l’aide humanitaire externe souligne l’échec total des autorités d’Haïti à protéger et assister leurs propres citoyens en situation de vulnérabilité.


Le ministère des Affaires étrangères haïtien, les consulats et les autres structures étatiques chargées de la protection des ressortissants à l'étranger se distinguent par leur inaction et leur silence assourdissant. L’indifférence du côté haïtien confère, de fait, une licence aux autorités dominicaines pour amplifier leurs pratiques abusives, sachant qu'aucune protestation diplomatique crédible ne viendra perturber leurs opérations.
Cette démission de l'autorité haïtienne est la clé de voûte de la tragédie qui se joue à la frontière. Elle expose les migrants à une double peine : la répression brutale en République dominicaine et l'abandon institutionnel dans leur propre pays. Il est temps que les leaders haïtiens cessent de se cacher derrière la crise politique pour justifier leur incurie face aux violations des droits de l'homme de leurs concitoyens.

Interrogés par le journal ExplosionInfo à la frontière de Dajabón/Ouanaminthe, le désespoir des migrants se transformait en amère lucidité. « Quand les Haïtiens cesseront-ils d’être humiliés en République dominicaine ? », déploraient-ils, avant d'ajouter une phrase dévastatrice : « C’est comme si Haïti n’avait plus d’autorités. Entre la brutalité d'une immigration dominicaine qui nous maltraite comme des bêtes et le silence assourdissant d’un État haïtien qui nous laisse mourir de faim et de honte, la frontière est devenue le tombeau de notre dignité. La République dominicaine nous expulse, mais c'est Haïti qui nous a déjà abandonnés à notre sort. »

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