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Réunis à Fort-Liberté lors d’une soirée de réflexion organisée par le Salon Mirez Droit, avocats, bâtonnier et autorités policières ont tiré la sonnette d’alarme sur la vulnérabilité croissante de la profession. Entre assassinats, menaces, préjugés judiciaires et déficit de réponses institutionnelles, c’est toute la chaîne de la justice dans le Nord-Est qui apparaît fragilisée, exposant l’État de droit à une dérive inquiétante.
Justice sous pression : les avocats du Nord-Est tirent la sonnette d’alarme
Fort-liberté, Nord-Est : Dans un contexte marqué par l’insécurité généralisée et la fragilisation des institutions, les avocats du barreau de Fort-Liberté ont décidé de briser le silence. Le dimanche 21 décembre 2025, au Twins Hôtel à Fort-Liberté, le Salon Mirez Droit a organisé une soirée de réflexion suivie d’un vin d’honneur, réunissant consœurs et confrères autour d’un thème sans détour :
« Solidarité professionnelle et protection de l’avocat : quelles réponses institutionnelles face à l’insécurité ? »
L’objectif affiché : redynamiser les relations au sein du barreau et engager une réflexion collective sur les dangers qui menacent aujourd’hui l’exercice de la profession d’avocat dans le département du Nord-Est.
Une profession exposée, un État de droit menacé
Dans son discours de circonstance, la présidente du Salon Mirez Droit, Me Jennifer Surfin, a salué la mobilisation des avocats avant de dresser un constat alarmant. Elle a mis en évidence la vulnérabilité des avocats dans l’exercice de leur mission, rappelant que défendre un client, c’est aussi défendre les libertés fondamentales et l’État de droit.
Insistant sur l’éthique professionnelle, Me Surfin a rappelé que le secret professionnel demeure un pilier intangible de la profession, devant être préservé face à toute pression, car il constitue la base même de la confiance entre l’avocat et son client. Elle a surtout appelé à une solidarité réelle et agissante entre avocats pour faire face aux menaces et préserver leur indépendance.
« La situation est grave », alerte le Bâtonnier
Prenant la parole, le Bâtonnier du Conseil de l’Ordre des Avocats de la juridiction de Fort-Liberté, Me Gaston Étienne, n’a pas mâché ses mots. Pour lui, l’insécurité qui frappe les avocats est une attaque directe contre la profession.
« Chaque fois qu’un avocat est agressé ou assassiné, c’est le droit de la défense que l’on piétine, c’est l’État de droit que l’on fragilise », a-t-il martelé, évoquant les multiples visages de l’insécurité. Intervenant également sur les relations entre le Barreau, les autorités judiciaires et les forces de sécurité, le Bâtonnier a dénoncé les dysfonctionnements de la chaîne judiciaire, notamment les préjugés et obstacles auxquels les avocats font face avant même l’ouverture des procès.
La police promet, la justice est attendue.
Invité à s’exprimer, le Directeur départemental de la Police du Nord-Est, le Commissaire divisionnaire Jacques Antoine Étienne, a rappelé que la Police nationale d’Haïti (PNH) est une institution transversale, au service de toutes les institutions et de la population.
Selon lui, l’action policière converge vers la justice, la police ayant pour mission d’exécuter les décisions judiciaires. Il a insisté sur la nécessité d’une collaboration étroite entre la police et l’appareil judiciaire pour renforcer le fonctionnement de la justice. Le commissaire a par ailleurs affirmé que la PNH est activement mobilisée pour interpeller tous les auteurs impliqués dans l’assassinat de Me Albert Joseph, ancien conseiller juridique de la Direction départementale de la PNH dans le Nord-Est.
Animant les débats et ateliers, Me Wilkens Joseph a décrit un environnement dominé par la peur, la contrainte et le silence imposés par la violence. Il a rappelé que l’avocat, en tant qu’auxiliaire de justice, est un acteur central du procès équitable et de la protection des libertés publiques.
Se référant à l’article 19 de la Constitution de 1987, il a souligné que l’État a l’obligation de protéger la vie et les biens de tous les citoyens, y compris ceux des avocats.
De son côté, Me Mathieu Junior Kercivil a insisté sur la nécessité d’une solidarité professionnelle renforcée, appelant à un respect accru des avocats dans l’exercice de leurs fonctions.
Un message appuyé par Me Bilgot Colas, Secrétaire du Conseil de l’Ordre, qui a plaidé pour un front commun contre la violence, allant jusqu’à réclamer une pression institutionnelle sur les juges afin que les avocats victimes obtiennent justice, comme tout citoyen.
Au terme de cette soirée, une réalité s’impose : dans le Nord-Est, la justice apparaît plus vulnérable que jamais. Lorsque les avocats vivent sous la menace, que les crimes restent impunis et que la réponse judiciaire semble conditionnée par l’influence ou les moyens, la justice glisse dangereusement vers une justice au plus offrant, où le droit cède la place à la peur et au rapport de force. Dans ce contexte, ce ne sont pas seulement les avocats qui sont en danger, mais l’idée même de justice, pilier fondamental d’une société démocratique.
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