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Pourquoi l’avocat ne peut pas tout demander à la barre ?

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ÉDITORIAL journal Explosioninfo 

Le Décret du 29 mars 1979 réglementant l’exercice de la profession d’avocat fait de ce professionnel un personnage privilégié voire incontournable dans le système judiciaire haïtien. Ainsi, en dehors de son droit de consultation et son assistance facultative aux intéressés, le ministère de l’avocat est obligatoire dans les cas suivants:
A)   toutes les fois que la loi le prescrit;
B)    pour tout contrat d’aliénation immobilière aux étrangers;
C)    pour les contrats de constitution de société anonyme à déposer en minute en l’Etude d’un notaire choisi par les parties;
D)   pour les dépôts des marques de fabrique et de commerce et pour l’obtention des brevets d’invention;
E)    en fin, son assistance peut-être requise par les notaires toutes les fois qu’elle s’avère nécessaire. (art 51, Décret du 29 mars 1979)
  
En effet, en acceptant une cause, l’avocat s’engage à garantir la protection du droit du client et arracher, autant faire se peut, la victoire tant attendue par ce dernier. En revanche, rien ne justifie à l’avocat de passer outre des principes d’honneur et de dignité caractérisant la noblesse de la profession pour gagner un procès. A la barre, constate-t-on, certains collègues avocats et même des anciens bâtonniers n’hésitent pas à produire des demandes sans fondement juridique sous un fallacieux prétexte que l’avocat peut tout demander. Renchérissent-ils, il revient au juge de savoir quoi donner.
 
Il en résulte que, cette pratique viole systématiquement les principes directeurs guidant l’instance. L’avocat ne peut pas tout écrire, voire tout demander. Et la Cour Européenne des Droits de l’Homme, en 2019, n’a t-il pas condamné deux avocats à cause du contenu diffamatoire d’une plainte portée contre un juge.
 
L’avocat, acteur du système judiciaire quasiment au même titre que le juge, doit éviter d’induire en erreur le tribunal. D’ailleurs, le juge doit, surtout en matière civile, se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé. Concrètement, il ne peut juger ni infra petita, ni ultra petita, c’est-à-dire, qu’il ne peut laisser des demandes sans réponses, ni trancher ce qui ne lui a pas été soumis.
 
Il est étonnant de constater que beaucoup d’avocats ignorent qu’il existe un Code de déontologie publié par la Fédération des Barreaux d’Haiti en 2002. En son article 8, alinéa 3, ce texte, d’une grande portée morale, martèle 8-1 : «L’Avocat ne peut induire le Juge en erreur en ne l’informant pas de la constitution d’Avocat pour la partie adverse ou en ne déposant pas au délibéré les actes de procédures échangés entre Avocats.
 
En conclusion, l’avocat doit procéder, à l’audience et partout, en toute loyauté pour le triomphe de la justice comme dispose l’article 54 du Décret du 29 mars 1979. Il est tenu de produire des demandes qui sont conformes à la loi et de répudier l’usage des pièces visiblement fausses ou altérées. Ce faisant, il aide à la distribution d’une saine et équitable justice. Raison de plus, à l’heure actuelle, on rencontre des juges qui, méconnaissant les textes de lois, sont quasiment évasifs à chaque demande produite par un avocat.  
      


  
Thony Desauguste, avocat
Consultant au Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ)
Professeur à l’Université d’Etat d’Haïti
dthonyfile@yahoo.fr

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