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Alors que le monde célèbre la Nativité dans la joie, le partage et la lumière, une large partie de la population haïtienne traverse les fêtes de Noël dans la peur, la faim et le déplacement forcé. Entre violences armées, effondrement économique et silence des autorités, Noël apparaît désormais comme un privilège réservé aux dirigeants, loin de la réalité quotidienne des citoyens livrés à eux-mêmes.
Ouanaminthe, Nord-Est, ce Jeudi 25 décembre 2025--Noël, fête centrale du christianisme, commémore la naissance de Jésus-Christ et symbolise, pour des millions de croyants, l’amour, l’espérance et le renouveau. Au-delà de sa dimension religieuse, elle est devenue une célébration universelle, marquée par le partage, la solidarité et la convivialité familiale. Mais en Haïti, cette symbolique semble aujourd’hui vidée de sa substance.
À Port-au-Prince comme au Cap-Haïtien, l’ambiance des fêtes de fin d’année n’est plus qu’un lointain souvenir. L’insécurité persistante, l’inflation galopante et la dégradation continue des conditions de vie ont relégué Noël au second plan. Les rues, autrefois illuminées, restent plongées dans l’obscurité, tandis que les traditions familiales s’effacent, remplacées par la peur et la résignation.
Dans ce contexte, l’esprit de Noël cède la place à une réalité brutale : celle d’un pays où la survie quotidienne prime sur toute célébration. L’insécurité, la pauvreté, l’instabilité politique et l’effondrement économique ont pris le dessus, réduisant la fête à une notion abstraite pour une grande partie de la population.
Dans le Nord-Ouest, le constat est tout aussi alarmant. Selon la correspondante du journal ExplosionInfo, Majuste Myrlantha, plusieurs villes comme Port-de-Paix, Bassin-Bleu ou Bombardopolis vivent des fêtes sans joie. Fenel, petit commerçant et père de famille, décrit un quotidien figé dès la tombée de la nuit, sans activités communautaires ni animation, symbole d’un tissu social en décomposition.
La situation est encore plus dramatique pour les déplacés internes, contraints de fuir les violences des gangs armés. Dans le département du Centre, notamment à Hinche, des familles entières dorment sur des places publiques ou chez des proches, sans accès suffisant à la nourriture, à l’eau potable ou à l’éducation pour leurs enfants. Pour ces citoyens, Noël n’est plus qu’un mot sans réalité tangible.
Dans le Nord-Est, région pourtant éloignée de l’épicentre de la violence, la population s’interroge également sur le sens même de Noël en 2025. À Fort-Liberté, Mona Jean et Joseph André, déplacés de Mirebalais, peinent à nourrir et vêtir leurs enfants. Hébergés dans des locaux administratifs sous protection minimale, ils dénoncent des conditions de vie indignes, incompatibles avec toute célébration.
À Capotille, la nostalgie domine. Fabiola se souvient d’un temps où les sapins, les achats de fin d’année et les rêves d’enfants donnaient corps à la fête. Aujourd’hui, dit-elle, tout a disparu, emporté par la crise et l’appauvrissement généralisé.
Pourtant, malgré l’adversité, certains refusent de renoncer complètement à l’esprit de Noël. À Terre-Rouge, Salomon tente de préserver, avec des moyens limités, les valeurs de solidarité et de partage. Une résistance morale, fragile, face à un environnement qui broie les espoirs.
Mais pour beaucoup, la colère et le désenchantement l’emportent. À Trou-du-Nord, Antoine, 61 ans, résume la situation sans détour : « Sous les balles, il n’y a pas de Noël ». Une déclaration lourde de sens, qui pointe l’incapacité des autorités à restaurer la sécurité et à redonner une perspective au pays.
Du Haut Nord-Est dans les communes tels : Vallières et Mombin-Crochu une même question revient : pour qui existe encore Noël en Haïti ? Selon le journaliste Benoît Lafontant et de nombreux citoyens, seuls les membres du Conseil présidentiel de transition et du gouvernement semblent en mesure de célébrer. Pour les paysans, les déplacés, les pauvres et les oubliés, Noël n’est plus une fête, mais le symbole criant d’un État absent, sourd aux souffrances de sa population.
À écouter ces voix venues de tout le pays, une évidence s’impose : tant que l’insécurité, la misère et l’impunité domineront, Noël restera en Haïti une vitrine officielle déconnectée du vécu réel. Les autorités peuvent multiplier les discours et les cérémonies, mais sans réponses concrètes aux cris de détresse, elles continueront de fêter seules un Noël que le peuple, lui, n’a plus les moyens — ni la paix — de célébrer.
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